mardi 8 janvier 2019

Extrait de "Philosophie sentimentale", de Frédéric Schiffter

        Souvent, mes lecteurs me jugent non seulement sombre mais négatif. Ils me suspectent de prendre un plaisir vicieux à dénigrer la vie- laquelle, à les entendre, serait, malgré tout, belle et joyeuse. Une amie me dit un jour que je lui rappelais ce marquis de Ximenez qu'évoque Chamfort à travers le témoignage de Monsieur d'Autrep: "C'est un homme qui aime mieux la pluie que le beau temps, et qui, entendant chanter le rossignol, dit: "Ah! La vilaine bête" ". Il est vrai qu'il y a en moi un mécontent. Depuis l'enfance je me tiens à distance des gens de bonne humeur. Toute liesse me fait injure. Je regarde avec dédain les enthousiastes, les partants, les motivés. Avec une certaine crainte, aussi. Les optimistes excellent à remplir les bagnes et les cimetières. Cela signifie-t-il que je n'aime pas les gens qui aiment la vie? Je fuis les inconscients qui ne veulent pas voir qu'ils ne jouissent que d'une existence conditionnelle et que la mort est indifférente à leur amour.

mercredi 4 avril 2018

pièce maîtresse

Le système, c'est un grand mécanisme. Structuré, huilé, régi par des lois, des règles, il est sophistiqué. Il a mis en son sein la valeur du travail, comme seule et indépassable raison d'être. A tel point qu'il suscite aujourd'hui même une fascination morbide, de millions d'individus travaillant sans raison, s'oubliant parfaitement, mais acceptant leur vie telle qu'elle est: une survie.

lundi 9 mai 2016

De la supériorité du chat sur le chien

Ceci est la retranscription d'un article savoureux, au style raffiné et d'une lumineuse évidence: la supériorité du chat sur le chien (à retrouver sur: http://blog.slate.fr/sagalovitsch/2013/01/10/de-la-superiorite-du-chat-sur-le-chien/)

Le chien est le meilleur ami de l’homme. Et c’est bien normal. Vu le degré d’intelligence affiché par un brave toutou, comment ne pas comprendre combien cela peut être rassurant pour l’homme d’avoir trouvé un compagnon envers lequel il peut pour une fois afficher une indéniable supériorité intellectuelle.

Le chien est bête.

C’est un fait. Et ce n’est pas de sa faute.

A part lever la papate, redresser le museau quand on l’interpelle, ramener la baballe aux pieds de son maître, aboyer comme un dératé au moindre son inconnu de son répertoire linguistique, japper à fissurer les murs quand on le laisse seul, pisser au pied d’un arbre, un chien a l’intelligence d’une carpe farcie.

Sans oublier cette insondable tristesse que dégage son déchirant regard. Cette désespérance transie qui transpire de ses yeux mouillés de chagrin, cette supplication adressée vers son maître de ne point l’abandonner, cette attitude de renoncement, d’abdication, d’asservissement, autant de signes qui prouvent scientifiquement que si la vie ne vaut rien, le chien vaut encore moins.


Le chat lui, étincelle d’intelligence et de malice.

Le chat sait.

Les mystères de l’existence n’ont plus de secret pour lui. Il connaît de toute éternité la veulerie de l’homme, son infinie insignifiance, sa féroce médiocrité. Il nous toise de son regard perçant qui nous met à nu et semble nous dire ” mais comment fais-tu pour être aussi crétin ? Tu as pris des cours du soir ou c’est de naissance ? ”

Le chat ne répond jamais à nos attentes. Ce n’est pas son rôle. Il n’est pas de notre monde. Il lévite à des latitudes si élevées qu’il nous est par essence inaccessible. Il représente le mystère absolu, la quintessence métaphysique de nos errements existentiels, la preuve irréfutable qu’il existe d’autres mondes auquel notre intelligence rapiécée ne peut prétendre accéder.

Et quand il consent à venir nous visiter, c’est plus par commisération envers notre triste sort que par souci de trouver du réconfort. S’il se laisse caresser, c’est pour nous rassurer et nous prouver que nous ne sommes pas complètement des bons à rien. S’il feint de ronronner d’aise, c’est juste pour qu’on puisse s’attendrir sur nous-mêmes et nous dire que l’on est encore capable de dispenser un peu d’amour.

Le chien lui n’a pas de vie intérieure. Entre deux absorptions de pâtés, il se vautre dans un sommeil lourd comme une porte de prison. Et s’il claque parfois de la langue dans sa torpeur endormie c’est juste pour tenter d’attraper sans succès une mouche qui passait par là.

Le chat lui, possède un imaginaire enflammé.

A le regarder se tortiller pendant ses plages de repos, à voir ses moustaches frémir, son museau frissonner, on se doute bien qu’il n’est pas en train de se demander ce qui pourra bien faire plaisir à cette andouille qui se prend pour son maître.


Dans ses rêves toujours tourmentés, le chat redevient ce chasseur qu’il n’a jamais cessé d’être. Un vrai chasseur. Pas un prédateur de balles de tennis comme l’autre corniaud de basset mais un véritable félin usant de mille et unes malices pour s’emparer de sa proie.
Le chat à une vie intérieure si intense qu’il arrive même pleinement réveillé à se persuader que le salon où on l’a condamné à vivre n’est en fait qu’une jungle déguisée hantée de dangereux carnassiers qu’il s’en va pourchasser toutes griffes dehors.

Il suffit de voir un chat piquer un sprint soudain entre la cuisine et la salle de bain, grimper au rideau, prendre d’assaut la commode de l’entrée, se faufiler sous le lit de la chambre à coucher, repartir explorer les catacombes du placard à chaussures, pour comprendre qu’il souffre d’un mal encore plus profond que celui de Raskolnikov.

Le tout sous le regard ahuri du toutou bonnasse qui ne comprend que goutte à ses fulgurances et s’en va vers sa gamelle voir si le miracle de la multiplication des croquettes ne s’est pas opéré.


Dieu a donné aux hommes le chien pour qu’ils se sentent un peu moins seul. Le chat lui, a crée Dieu pour nous consoler de n’être que des hommes.

mercredi 4 mai 2016

Les farces de l'ordre

Usurpation démocratique

Les dépositaires de l'autorité publique seraient bien inspirés d'ôter leur casque, et de songer à cette sublime citation d'Anatole France: "On  croit mourir pour la patrie, mais on meurt pour les industriels". Car avant d'être une condition présumée du bon déroulement de la démocratie, la sécurité n'a strictement aucun lien avec les droits dont doivent jouir chaque citoyen: lorsqu'un ordre est donné, celui d'évacuer une place ou de déloger des migrants, les matraques s'exécutent, entrent dans la danse pathétique du servilisme, au service des industriels de l'armement et du pouvoir politique. Par pouvoir politique, je n'entends pas stricto sensu l'Etat, puisqu'il est lui-même soumis aux lois du marché; j'entends donc l'exercice du pouvoir au sens large. Les oligarques, qui font transiter des sommes considérables dans un intérêt personnel, ont un pouvoir énorme: celui d'acheter le législateur, et donc d'influencer l'état de droit, de le subvertir, et de se substituer aux parlementaires, qui eux-mêmes se substituent au peuple. Dans tout ce chaos, il va de soi que l'agent de police n'est qu'un chien de berger. Mais il est chien de berger et mouton en même temps. Il lutte vigoureusement contre les droits du peuple en omettant qu'il appartient à celui-ci. Dans le même temps, il sait pertinemment qu'il n'aura jamais sa place dans les hautes sphères de la politique. C'est peut-être là la plus tragique des situations: un consentement à la soumission (mais le peuple peut le faire) et (plus grave) une participation active à cette soumission. Dernier acte absurde du long déclin de la démocratie.

Le théâtre politique

Maintenant, la démocratie, c'est une pièce de théâtre: on a quelques acteurs peu crédibles, des hommes politiques, qui jouent une pièce, et juste devant, ceux qui doivent la rendre crédible: les farces de l'ordre, qui tapent, pour faire respecter le pouvoir, ou plutôt l'abus de pouvoir. Eux sont là, et qu'importent les politiques qu'ils garderont, ils le feront sans broncher. Ils oeuvrent pourtant contre leurs intérêts, mais ils sont convaincus du bien-fondé de leur servilité.

Quant aux autres, ceux qui défendent ces types, ce sont les spectateurs. Ils sont là, popcorn à la main, et applaudissent les coups de matraques, vomissant la jeunesse et félicitant les puissants. Ceux-là, ce sont les pires, ils ont atteint un tel niveau de consentement qu'il leur faudrait un miracle pour se réveiller, ou une panne généralisée des téléviseurs. Un théâtre parfaitement bien conçu, car ceux qui se prélassent (ou vocifèrent) devant l'ineptie politique, le divertissement médiocre des hommes de pouvoir, ils se détournent du réel, lui préférant la bouffonnerie grotesque, mais rassurante. Les farces de l'ordre, qui délimitent la scène, surveillent, le regard livide, la sobriété des foules. Les exclus, les marginaux, sont dehors, ils ont été refoulés du théâtre, car eux luttent, sont en prise avec le réel, n'ont cure des spectacles pitoyables que leur livrent les puissants. Ils sont donc violemment marginalisés, montrés du doigt, jetés sur le bûcher médiatique de l'infâme. Et pendant que les farces de l'ordre maintiennent le désordre, le désordre de la rue cherche un ordre, un nouvel ordre, où de spectateurs indolents ils deviendraient acteurs. Acteurs de leur vie. Rêvons toujours. Les farces ne durent qu'un temps, la soumission aussi. Les masquent finissent toujours par tomber, car ils révèlent toujours leurs artifices. Le masque n'est-il pas, par ailleurs, l'aveu implicite d'une faiblesse? 




La nécessaire révolte

Le mensonge politique consiste à croire que le peuple n'a aucun pouvoir ni de connaissance, pour pouvoir se gouverner; on lui dit donc qu'il faut regarder, écouter, et exécuter. Ce que les forces de police font avec une facilité déconcertante. Mais le peuple qui, dans son immense majorité, demeure relativement policé, doit faire preuve d'un très grand détachement pour se prendre en main. Ni le divertissement, qui fait appels aux émotions (que Spinoza associe à des pulsions irrépressibles et automatiques chez l'homme), ni la répression, ne doivent freiner l'ambition de l'homme, qui est de s'émanciper. Ni le mensonge organisé par les professionnels de la politique, ni la farce tragique qui lui est proposée ne doivent surpasser sa raison. Et c'est spécifiquement ici qu'intervient la volonté. Privé de cette volonté, de toute ambition, installé dans l'espoir tranquille d'un monde meilleur ou pis, acceptant les conditions cyniques de son existence (existence qui lui échappe du reste totalement), l'individu n'est plus. Pour que demeure l'individu, il doit y avoir lutte, comme l'on lutte dans la vie, pour que la vie ne soit pas une longue attente de la mort. Il ne s'agit pas de lutter contre la vie, ni contre le monde. Il s'agit simplement de recouvrer la maîtrise de sa vie. La violence est donc d'abord réfléchie, et elle est d'abord faite contre soi-même, avant de l'être contre les autres: lorsque l'on réfléchit, lorsqu'on refuse de se soumettre ou de céder aux plaisirs (tentants) du consumérisme, on se fait violence. La violence policière, elle, offre un contre exemple ironique: les forces de l'ordre luttent contre toute ambition populaire, contre le désir violent de vie et de souveraineté (cela contrevient aux intérêts des puissants), et en ce sens, ils luttent contre la vie, réduits à une exécution mécanique de la volonté du pouvoir. L'agent de police lui-même, qui demeure puissant par sa force physique et les moyens dont ils dispose, est en réalité le maillon le plus faible de ce vaste système. Faible, car d'abord violent avant de réfléchir, alors qu'il faudrait justement faire l'inverse, pour ne pas céder à la bestialité et à l'émotion brutale. C'est pour cela que leur condition est ironique: parce que les forces de l'ordre sont d'abord faibles. Ce qui les prive de toute compétence, de tout savoir, et les condamne à la constance, quel que soit le pouvoir qu'ils garderont, et quel que soit la révolte à écraser. D'ailleurs, Isaac Asimov ne dit-il pas, dans un éclair de génie, que "la violence est le dernier refuge de l'incompétence"? 

lundi 2 mai 2016

De la vie

BOLDMIND. Nous ne sommes heureux en Angleterre que depuis que chacun jouit librement du droit de dire son avis.

MÉDROSO. Nous sommes aussi fort tranquilles à Lisbonne, où personne ne peut dire le sien.

BOLDMIND. Vous êtes tranquilles, mais vous n'êtes pas heureux; c'est la tranquillité des galériens, qui rament en cadence et en silence.

MÉDROSO Vous croyez donc que mon âme est aux galères?

BOLDMIND. Oui; et je voudrais la délivrer.

MÉDROSO. Mais si je me trouve bien aux galères?

BOLDMIND. En ce cas vous méritez d’y être.

Voltaire, Dictionnaire philosophique "liberté de penser"


1- L'énigme de la vie

Derrière ce mot de trois lettres, la vie, se cachent une infinités de questions, toutes aussi abstruses que vaines, mais qui méritent d'être posées. Car les questions sont parfois plus porteuses de sens que les réponses elles-mêmes. Donc, qu'est-ce que la vie? Plus encore, pourquoi vit-on? Desproges se rapproche sans doute de la cruelle vérité en énonçant ceci: "nous venons au monde pour mourir". Oui. La vérité est implacable, le réel est intransigeant: nous vivons pour mourir. Nous n'avons d'ailleurs rien demandé, mais nous ne demanderons pas davantage lorsque la fatale issue de l'existence, la mort, nous arrachera du monde sensible. Si nous naissons pour mourir, alors l'existence peut paraître absurde. Et en un sens, elle l'est: quoi de plus absurde qu'une vie brusquement interrompue, longue et ennuyeuse, courte et brutale? Mon premier postulat est qu'il faut accepter ce non-sens, car c'est ce non-sens qui donne justement à la vie tout son sens. L'absurde, c'est le tragique. Non, pas le tragique Racinien, dégoulinant de lyrisme et fatalement défaitiste, non. Le tragique, c'est ce juste milieu entre l'optimisme et le pessimisme, c'est le réel, tel qu'il est, irrationnel, cruel, beau, violent, absurde. C'est cela, la vie. Alors, au lieu de chercher pourquoi l'on vit, il suffit (c'était ma deuxième question) de savoir comment on le fait. Comment supporter l'insupportable irrationalité de ce que l'on vit au quotidien. Deux solutions, ou plutôt, deux procédures s'offrent à nous. On peut accepter, sans pour autant se résigner (mais en s'y risquant toutefois), et on peut refuser. Selon la procédure utilisée, en découlera une manière de vivre, un art de vivre

2- Accepter, ou le piège de la soumission

L'acceptation est un concept lourd de clichés, banalement rapportés par les contempteurs du réel, ceux qui lui opposent un vain et constant refus, comme Don Quichote luttant contre les moulins à vent. L'acceptation de la vie, c'est la première condition tragique. Mais elle implique une nécessaire distance à l'égard des choses du monde. L'acceptation a quelque chose de profondément égoïste. On accepte sa condition, mais aussi celle des autres. Et le refus partiel ou total du réel peut s'avérer également dangereux: une sorte de voile dont se parent les faibles, pour fuir le réel. Cette attitude est une attitude de déni, qui donnerait raison à cette maxime de Nietzsche: "parfois, les gens ne veulent pas entendre la vérité, car ils ne veulent pas que leurs illusions se détruisent". Nous verrons que l'espoir peut jouer ce rôle. Le réel peut-il être vécu en étant dénié, paré d'un voile? Le postulat de cet essai est que l'on ne peut pas s'y résoudre. Car on ne vivrait pas le réel, on le survolerait. Pire: on vivrait non pas le réel mais un semblant de réel, une fiction, un peu comme le héros de Truman show, enfermé dans une série depuis sa naissance, et qui ignore lui-même (jusqu'à un certain point), qu'il est acteur de cette fiction, un artifice de ce gigantesque théâtre à ciel ouvert. Si le réel est un pièce, alors il serait une farce tragi-comique, une sorte de pièce absurde. Absurde, oui, ce monde l'est. Et s'en détourner, c'est être faible. C'est pourquoi, m'est avis que refuser ce réel, c'est lui donner raison, c'est capituler. La vie est une lutte. Il faut l'affronter. L'accepter béatement? Peut-être pas non plus.


3- Eloge du néant

Accepter, oui, mais pas n'importe quoi: l'injustice n'est pas acceptable. Mais accepter l'inconnu, comme on accepte l'absurdité d'une vie. En acceptant la vie, on s'accepte soi-même. La vie s'offre à nous, ou s'impose à nous, cela dépend de la manière dont on la conçoit. Doit-on la voir comme un fardeau, la subir jour après jour, et pousser cette pierre sur le flanc d'une montagne, destinée à y redescendre inéluctablement? Est-ce une acceptation supportable? Accepter de vivre nécessite peut-être alors autre chose. Ou plutôt rien. Le néant, l'abîme, le rien, peut offrir une alternative entre l'acceptation béate et le refus catégorique: il est l'inconnu, le vide, le précipice au-dessus duquel l'homme avance, tel un funambule, sans savoir si son prochain pas est le dernier. Il peut tomber, il peut échouer, mais qu'importe, il avance. L'équilibre parfait entre une vie réglée comme un papier à musique et la vie de débauche où l'on perd tous repères. Un "entre deux" qui ne contrevient pas aux contingences de la vie sans pour autant s'y soumettre pleinement. Mais l'humain est-il seulement capable d'assumer cette incertitude, de s'y confronter? Les systèmes politiques, quels qu'ils soient, et plus encore le capitalisme, déterminent l'individu, le conditionnent de la naissance à sa mort. Tout y est déterminé, ses réussites, comme ses échecs. De boîte en boîte, il avance sur le droit chemin que lui trace la vie prête à porter. Il termine d'ailleurs son existence au bout de cette interminable chaîne, au fond d'une boîte, oublié de tous. Nous sommes les rouages du système, c'est un fait. D'ailleurs, le concept même de système est un concept clé, que je fais intervenir assez tard dans cette réflexion. Mais soit. Nous ne nous appartenons pas pleinement à nous mêmes, car sinon, nous échapperions à ce système, et la vie deviendrait survie. Nous interrogerions alors un autre concept. Mais à l'intérieur du système, nous pouvons vivre sans appartenir totalement aux autres, tourner à la périphérie de ce système et s'en nourrir sans se laisser happer. C'est tout l'enjeu de l'incertitude. Une métaphore me vient à l'esprit, pour illustrer ce choix. Imaginons un instant un bateau; un bateau qui prend l'eau, inexorablement destiné à couler, puisque sa coque est percée, et qu'un marin tenterait, par tous les moyens, tristement muni d'un seau, d'en extraire l'eau, de manière continue. C'est le Sisyphe des temps modernes, le travailleur qui se donne corps et âme pour une entreprise qu'il n'aime pas, pour un système en quoi il ne croit plus. Et il y a cet individu, un de ces marins, qui décide de quitter le navire, de passer par-dessus bord et de partir à la nage. Partir où? Nul ne sait. Et c'est justement l'intérêt du concept.



4- Le mirage de l'espoir

a) L'illusion du réel?

Pour adopter une procédure - et il en existe bien d'autres, d'aucuns font intervenir cette pierre angulaire, ce faisceau lumineux que l'on nomme Espoir. L'espoir, guide suprême de nos vies, ou farce tragique de l'existence? La véritable question soulevée par l'existence de l'espoir chez tant d'individus est sans doute celle-ci: l'espoir fait-il vivre? C'est une expression bien populaire, "l'espoir fait vivre". Mais peut-on vivre sans espoir, sans tomber dans le refus, traité précédemment? Effectivement, l'absence d'espoir n'est pas forcément du désespoir. Soit. Les bases sont posées, mais les fondations demeurent encore branlantes. Parce que si l'espoir suscite tant de fascination, c'est parce que nul ne sait vraiment ce qu'est l'espoir. L'espoir, c'est cette quête philosophale, vaine ou inaccessible, la carotte derrière laquelle nous courrons, et que nous n'aurons jamais, car cette carotte est attachée au-dessus de nos têtes. L'espoir, c'est ce que nous n'avons pas, mais que nous n'aurons jamais. Tout est dans l'expression: "l'espoir fait vivre", donc vivons pour avoir ce que nous n'aurons jamais. Absurde équation, qui contrevient à la définition même de la vie. Cet espoir fait avancer, certes, mais il fait avancer comme l'eau fait tourner les pâles du moulin: c'est du surplace. Il nous fait avancer sur un tapis roulant. Et dans ce cas, cela reviendrait à épuiser nos forces dans une quête sans fin. L'espoir, dans ce cas, constituerait une sorte de course, mais nous serions en train de courir derrière notre vie. On ne la vivrait peut-être pas, par conséquent. Puisque en se projetant dans un avenir brumeux, lointain, en fixant cette lumière au bout du tunnel, cet Espoir, notre présent nous échapperait complètement. L'espoir, même dans le présent, n'est qu'un futur déguisé, un horizon d'attente. La vie ne peut se conjuguer qu'au futur. Elle doit se vivre aussi à l'instant présent. En ce sens, doit-on dire que l'espoir protège du réel, ou bien qu'il nous en éloigne? L'espoir comme échappatoire ne nous protège du réel qu'en nous en offrant une vision erronée, une sorte de vision idéale. Mais attention, je ne dis en aucun cas que cette attitude est mauvaise. Je dis qu'elle travestit le réel, et qu'en ce sens, la persistance du voile peut constituer une prison, une prison mentale, où l'on vivrait dans une fiction. C'est parfois préférable lorsque le réel n'est justement plus supportable. 

b) Dépassement du réel

Mais loin de moi l'idée, ici, de dénigrer la force de l'espoir. C'est ainsi que sont nés tant d'édifices majestueux, érigés à la sueur d'humains prêts à sacrifier leur existence pour l'amour d'un dieu qu'ils n'avaient jamais rencontré. Qu'est-ce que ce dieu, si ce n'est l'Espoir personnifié? Ces églises, cathédrales aux voûtes vertigineuses, le gigantisme des pyramides, et j'irais même jusqu'aux découvertes, et la science, tous nourris par un espoir, une perspective, un horizon. Tout ceci a permis à notre humanité de sortir de sa caverne. Ce qui reviendrait alors à considérer l'espoir comme une possible clé du dépassement de soi, et du réel. 

c) Dérives de l'espoir

Mais tout ceci a également tiré cette humanité de cet état primitif, celui de nature tant vanté par Rousseau. L'espoir nous a privé de notre innocence, a fait de nous des êtres compétitifs, à la recherche du plus, du mieux. L'avarice, la jalousie, l'envie, ne sont-elles pas nées d'un espoir déçu? L'espoir d'un monde meilleur n'était-il pas la base idéologique du nazisme? L'espoir fait vivre, oui, mais il fait aussi mourir. Si l'espoir est propre à l'homme, c'est justement peut-être parce qu'il représente sa double caractéristique: le dépassement de soi et la barbarie.

Et la vie dans tout ça? Que fait l'individu lorsqu'il espère? Reste-t-il bouche bée, à attendre Godot, cet inconnu qui ne viendra jamais, ou utilise-t-il l'espoir comme un moteur à sa vie? Aucune réponse ne peut satisfaire mes questionnements, car l'espoir peut tout aussi bien accompagner l'existence monotone d'un individu dépressif, ayant abandonné tout combat, tout comme l'individu plein de volonté, prêt à lutter vaillamment, ou même notre funambule, toujours à survoler l'abîme. Encore que, ce dernier se fiche un peu de l'avenir, donc il y a de fortes chances que l'espoir l'indiffère. Mais les deux autres, eux, malgré leurs différences, peuvent nourrir de l'espoir. L'espoir est donc un concept universalisant, s'il peut toucher autant d'individus. C'est d'ailleurs ce qui fait sa force et sa dangerosité. L'espoir, c'est un peu l'atome de l'individu, il faut le manipuler avec précaution, ne pas s'en servir de fin en soi, car sinon, l'on s'abandonnerait à cette quête sans fin, mais ne pas non plus s'en priver totalement, peut-être justement pour accepter la vie, supporter ce poids, dépasser le seuil de nos existences, les faire évoluer. Dans ce cas, c'est une énergie positive. D'où la comparaison à l'atome.

Je vous vois venir: ne choisir ni l'un ni l'autre, faire un pas de côté, solution de facilité pour se soustraire à un choix. Mais ce choix, je pense qu'il réside dans un autre concept, qui fait la substantifique moelle de l'être humain, et qui détermine sa place dans la société: la volonté. La volonté seule peut trancher, nuancer ces comportements et ces postures face à la vie. Une vie misérable et pleine de volonté est admirable, non pas parce qu'elle est gonflée d'espoir, mais parce qu'elle veut. C'est la volonté (individuelle et collective) qui nourrit la responsabilité de l'homme, qui crée des rapports de force, et qui construit la vision du monde comme un combat. Sans volonté, peut-être que tout espoir est voué à échouer. La volonté est ce qui met en action l'espoir.

mercredi 16 mars 2016

Carnavalesque

"Et il se dit que l'on ne peut être totalement soi même qu'à partir du moment où l'on est totalement parmi les autres." (Milan Kundera, La vie est ailleurs)




Bruyantes, joviales, burlesques, 
Tournoient péniblement
Les feuilles de l'automne carnavalesque
Au-dessus de la marée, au dessous du firmament.

On les sent fébriles, mourantes, 
délivrant leurs derniers parfums,
Les fleurs distantes.
Moment délicieux où la vie prend fin.

Puis on contemple les sonorités des pas pressés,
On remarque les mines effarouchées des silhouettes,
Fuyant leurs ombres, là, dans le vacarme oppressé 
De la foule silencieuse. Le calme qui inquiète.

Rouge de teint, de noir vêtue, lancée sans frein,
La marée se déverse dans la bouche ravie
Du métro, dansant ce fol et sauvage refrain,
Celui du carnaval de la vie.

mardi 15 mars 2016

La France d'en bas

"J'ai un profond respect pour le mépris que j'ai des gens" (Pierre Desproges)



- On ne veut pas de migrants, occupez-vous d'abord de nos sdf!
- Ok on les installe dans le 16e
- On ne veut pas de sdf, occupez-vous d'abord des pauvres qui travaillent
- Ok on embauche des fonctionnaires
- On ne veut pas des fonctionnaires, ils sont trop payés. Occupez-vous des pauvres qui travaillent beaucoup.
- Ok, on lutte contre l'évasion fiscale
- Non, laissez les patrons investir en France, arrêtez de les taxer. On veut que vous vous occupiez des ouvriers et des agriculteurs
- Ok on va revoir les aides financières
- Non, il y a beaucoup d'assistés. On veut que vous vous occupiez des français de souche.
- Ok, on regardera les cartes d'identité.
- Non, il y en a beaucoup qui ne sont pas français
- Qui ça, "il y en a" ?
- Vous n'avez rien compris. On veut juste virer les bougnoules. C'est tout ce qu'on veut, mec.

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La France d'en bas, ce n'est pas celle qui oeuvres aux basses besognes du système, non. On peut être un entrepreneur exécrable un laveur de carreaux attachant. Tout est dans l'adhésion du peuple dans ces idées primaires de rejet. Lesquelles sont parfaitement contrôlées par le tube cathodique (ou l'écran plat, aussi plat que le contenu des programmes, d'ailleurs). La France d'en bas, c'est celle qui croit en l'inégalité des races, légitime l'inégalité sociale, se retourne contre ses pairs pour "exprimer sa colère", alors qu'il pourrait s'asseoir et lire un livre, apprendre qu'en détestant ses semblables, d'autres profitent de vous. En semant la division dans ses ouailles, le prédicateur capitaliste se repaît de leurs richesses. C'est tout cela , la France d'en bas: une pauvreté d'esprit, plus qu'une pauvreté financière; une faiblesse d'esprit, la vulgarité triomphante d'une émotion qui a renoncé à l'élévation de l'âme.

vendredi 11 mars 2016

Constant Guignard

   Les époux Guignard, mariés par amour, désiraient passionnément un fils. Comme si ce petit être tant souhaité voulait hâter l'accomplissement de leurs voeux, il vint au monde avant terme. Sa mère en mourut, et son père, ne pouvant supporter cette mort, se pendit de désespoir.

   Constant Guignard eut une enfance exemplaire mais malheureuse. Il passe son temps de collège à faire des pensums qu'il ne méritait pas, à recevoir des coups destinés à d'autres, et à être malade les jours de grande composition. Il finit ses études avec la réputation d'un cafard et d'un cancre. Au baccalauréat, il fit la version latine de son voisin, qui fut reçu, tandis que lui-même était expulsé des examens pour avoir copié.
    De si malencontreux débuts dans la vie eussent rendu mauvaise une nature ordinaire. Mais Constant Guignard était une âme d'élite, et, persuadé que le bonheur est la récompense de la vertu, il résolut de vaincre la mauvaise fortune à force d'héroïsme.
   Il entra dans une maison de commerce qui brûla le lendemain. Au milieu de l'incendie, comme il voyait son patron désolé, il se jeta dans les flammes pour sauver la caisse. Les cheveux grillés, les membres couverts de plaies, il parvint au péril de sa vie à enfoncer le coffre-fort et à en retirer toutes les valeurs.
   Mais le feu les consuma dans ses mains. Quand il sortit de la fournaise, il fut appréhendé au collet par deux sergents de ville; et un mois après on le condamnait à cinq ans de prison pour avoir essayé de s'approprier, à la faveur d'un incendie, une fortune qui ne courait aucun danger dans un coffre fort incombustible.

    Une révolte eut lieu dans la maison centrale où il était. En voulant secourir un gardien attaqué, il lui passa un croc-en-jambe et le fit massacrer par les rebelles. Du coup on l'envoya pour vingt ans à Cayenne.
    Fort de son innocence, il s'évada, revient en France sous un autre nom, pensa qu'il avait dépisté la fatalité et se remit à faire le bien.


    Un jour, dans une fête, il vit un cheval emporté qui entraînait une voiture droit dans le fossé du rempart. Il se jette à la tête du cheval, a le poignet tordu, la jambe cassée, une côté enfoncée, mais réussit à empêcher la chute inévitable. Seulement, l'animal rebrousse chemin, et va s'abattre au milieu de la foule, où il écrase un vieillard, deux femmes et trois enfants. Il n'y avait personne dans la voiture.
    Dégoûté cette fois des actes d'héroïsme, Constant guignard prit le parti de faire le bien humblement et se consacra au soulagement des misères obscures. Mais l'argent qu'il portait à de pauvres ménagères était dépensé par leurs maris; les tricots qu'il distribua à des ouvriers habitués au froid leur firent attraper des fluxions de poitrine; un chien errant qu'il recueillit donna la rage à six personnes du quartier; et le remplaçant militaire qu'il acheta pour un jeune homme intéressant vendit à l'ennemi les clefs d'une place forte.

    Constant Guignard pensa que l'argent fait plus de mal que de bien, et qu'au lieu d'éparpiller sa philanthropie, il valait mieux la concentre sur un seul être. Il adopta donc une jeune orpheline qui n'était point belle, mais qui était douée des qualités les plus rare qu'il éleva avec toutes les tendresses d'un père. Hélàs ! il fut si bon, si dévoué, si aimable pour elle qu'un soir elle se jeta à ses pieds et lui confessa qu'elle l'aimait. Il essaya de lui faire comprendre qu'il l'avait toujours considérée comme sa fille, et qu'il se croirait coupable d'un crime en cédant à la tentation qu'elle lui offrait. Il lui démontra paternellement qu'elle prenait pour de l'amour l'éveil des sens, et il lui promit d'ailleurs qu'il obéirait à cet avertissement de la nature en lui cherchant au plus vite un époux digne d'elle. Le lendemain, il la trouva couchée en travers de sa porte, un couteau dans le coeur.

    Pour le coup, Constant Guignard renonça à son rôle de petit manteau bleu, et se jura que dorénavant, pour faire le bien, il se contenterait d'empêcher le mal.
    A quelque temps de là, il fut mis par le hasard sur la piste d'un crime qu'un de ses amis allait commettre. Il aurait pu le dénoncer à la police; mais il aima mieux tenter d'entraver le crime sans perdre le criminel. Il se mêla donc intimement à l'action qui se préparait, parvint à en saisir tous les fils, et attendit le moment précis de tout déjouer en arrangeant tout. Mais le coquin qu'il voulait ménager vit clair dans son jeu, et combina l'affaire de telle sorte que le crime fut commis, le criminel sauvé, et Constant Guignard arrêté.

    Le réquisitoire du procureur contre Constant Guignard fut un chef-d'oeuvre de logique. Il rappela toute la vie de l'accusé, son enfance déplorable, ses punitions, son expulsion des examens, l'audace de sa première tentative de vol, sa complicité odieuse dans la révolte de la maison centrale, son évasion de Cayenne, son retour en France sous un faux nom. A partir de ce moment surtout, l'orateur atteignit le plus haut degré de l'éloquence judiciaire. Il stigmatisa cet hypocrite de bonté, ce corrupteur de ménages honnêtes, qui pour assouvir ses passions envoyait les maris au cabaret boire son argent, ce faux bienfaiteur qui cherchait par des présents nuisibles à capter une popularité malsaine, ce monstre caché sous le manteau d'un philanthrope. Il approfondit avec horreur la perversité raffinée de ce scélérat qui recueillait des chiens enragés pour les lâcher sur le monde, de ce démon, aimant le mal pour le mal, qui risquait de se faire estropier en arrêtant un cheval emporté, et pourquoi? pour avoir l'épouvantable jouissance de le voir se ruer dans la foule et écraser des vieillards, des femmes, de pauvres petits enfants. Ah! un tel misérable était capable de tout! Sans nul doute il avait commis bien des crimes qu'on ne connaîtrait jamais. Il y avait mille raisons de croire qu'il avait été complice de ce remplaçant acheté par lui pour trahir la France. Quant à cette orpheline qu'il avait élevée et qu'on avait trouvée un matin tuée à sa porte, quel autre que lui pouvait l'avoir assassinée? Ce meurtre était à coup sûr l'épilogue sanglant d'un de ces drames infâmes faits de honte, de débauche et de fange qu'on ose à peine remuer. Après tant de forfaits il n'était même pas besoin de s'appesantir sur le dernier crime. Ici, malgré les dénégations impudentes de l'accusé, il y avait évidence absolue. Il fallait donc condamner cet homme avec toutes les rigueurs de la loi. On punissait justement, et on ne saurait trop punir. On avait affaire non seulement à un grand criminel, mais à un de ces génies du crime, à un de ces monstres de malice et d'hypocrisie qui font presque douter de la vertu et désespérer de l'humanité.
    Devant un pareil réquisitoire, l'avocat de Constant Guignard ne pouvait plaider que la folie. Il le fit de son mieux, parla de cas pathologiques, disserta savamment sur la névrose du mal, représenta son client comme un monomane irresponsable, comme une sorte de Papavoine inconscient, et conclut en disant que de telles anomalies se traitaient à Charenton plutôt que sur la place de la Roquette.
    Constant Guignard fut condamné à mort à l'unanimité.
    Des hommes vertueux que la haine du crime rendait féroces furent transportés de joie et crièrent bravo.


    La mort de Constant Guignard fut comme son enfance, exemplaire mais malheureuse. Il monta sur l'échafaud sans peur et sans pose, avec une sérénité de martyr que tout le monde prit pour une atonie de brute. Au moment suprême, sachant que son bourreau était pauvre et père de famille, il lui annonça doucement qu'il lui avait légué toute sa fortune, si bien que l'exécuteur ému s'y reprit à trois fois pour couper le cou de son bienfaiteur.
   Trois mois plus tard, un ami de Constant Guignard apprit en revenant d'un lointain voyage la triste fin de cet honnête homme dont il connaissait seul les mérites. Pour réparer autant qu'il le pouvait l'injustice du sort, il acheta une concession à perpétuité, commanda une belle tombe, en marbre et écrivit une épitaphe pour son ami. Il mourut le lendemain d'un coup de sang. Néanmoins, les frais ayant été payés d'avance, le guillotiné eut son sépulcre. Mais l'ouvrier chargé de graver l'épitaphe prit sur lui de corriger une lettre mal formée sur le manuscrit. Et le pauvre homme de bien, méconnu pendant sa vie, gît dans la mort avec cette épitaphe à perpétuité:

                                            Ci-gît Constant Guignard
                                                    Homme de rien.


         Jean Richepin, 
Les Morts bizarres, 1877.

Sonnet honteux

(tiré de La légende des sexes, d'Edmond Haraucourt)

                                      A Emilie Goudeau

L'anus profond de Dieu s'ouvre sur le Néant,
Et, noir, s'épanouit sous la garde d'un ange.
Assis au bord des cieux qui chantent sa louange,
Dieu fait l'homme, excrément de son ventre géant.

Pleins d'espoirs, nous roulons vers le sphincter béant
Notre bol primitif de lumière et de fange;
Et, las de triturer l'indigeste mélange,
Le Créateur pensif nous pousse en maugréant.

Un être naît: salut! Et l'homme fend l'espace
Dans la rapidité d'une chute qui passe:
Corps déjà disparu sitôt qu'il apparaît.

C'est la Vie: on s'y jette, éperdu, puis on tombe;
Et l'Orgue intestinal souffle un adieu distrait
Sur ce vase de nuit qu'on appelle la tombe.

mardi 8 mars 2016

La comédie humaine

" Les êtres vont d'une comédie vers une autre. Entre-temps la pièce n'est pas montée, ils n'en discernent pas encore les contours, leur rôle propice, alors ils restent là, les bras ballants, devant l'événement, les instincts repliés comme un parapluie, branlochants d'incohérence, réduits à eux-mêmes, c'est-à-dire rien. Vaches sans train".

(Céline, Voyage au bout de la nuit).

Seul au monde

Non, je ne vais pas parler de la chanson de l'inénarrable Corneille (le chanteur), mais bien du film d'aventures, avec Tom Hanks, campant le rôle d'un Robinson intrépide et moderne à la fois. Seul au monde, c'est une curieuse métaphore, celle de cet état de nature oublié, mais qui est intrinsèque à notre espèce. Délire Rousseauiste de la condition humaine ou nécessaire remise en question des fondements de nos sociétés anthropisées, coupées de l'essence même du monde? Le Robinson moderne n'est-il pas cette quête philosophale vers ces terres oubliées, la rédemption du marchand obsédé par l'enrichissement personnel vers la terre promise? 

La nature, celle qui enlève la vie dans d'inconsolables colères climatiques, et c'est celle qui dans le même temps préserve l'existence humaine, se laisse meurtrir par elle, témoigne des stigmates de la barbarie civilisée. La nature, c'est cette entité que naguère déifiaient les Stoïciens, idolâtres sans icône, écologistes avant l'heure, déterministes éveillés.

L'illusion (du) comique

"L'homme souffre si profondément qu'il a dû inventer le rire" (Friedrich Nietzsche)




Et voilà. Nouvelle étape dans ma vie. Cette vie passée à créer dans l'anonymat le plus total. A faire de la musique que personne n'écoute, à écrire sur un blog où personne n'échoue. Et à dessiner ... Ah si, pour voir mes dessins, il y a du monde. 


Le moment est venu de vous livrer une partie de moi. Le gars qui dessine, c'est moi. Le gars qui fait le con sur les réseaux sociaux, c'est aussi moi. Ah oui, et je suis aussi prof des écoles. Un travailleur honnête et dévoué au service de l'Education Nationale, mais surtout au service des enfants, ces êtres pleins de vie, d'envie et d'insouciance, ces autres moi que j'ai dû quitter pour devenir un adulte. Mais dans la vraie vie, aujourd'hui, je ne fais pas l'idiot. Je pleure. Comme un con, certes, mais sans le vouloir, cette fois. Oui, je pleure, comme tout le monde, car j'ai pas eu le temps d'en rire avant. Ou peut-être est-ce trop dur, parce je n'ai pas le recul nécessaire pour comprendre ce qui m'arrive brutalement en ce moment-même. Alors je continue de dessiner, de rire de la vie, de son cynisme, avec la même fougue et le même gai désespoir qui fait peut-être la seule force de mes dessins.

Parfois, il m'arrive de me demander si ce blog sera l'unique testament de mon for intérieur, le reliquat des émanations de ma complexe personnalité, de ce subconscient torturé, sensible et dérangé. Volatile testament, voué à se perdre dans l'infini trou noir de la toile, ou révélateur subversif de l'absurdité du monde? Quoiqu'il en soit, l'heure est venue de livrer au monde le fruit de toutes ces réflexions, créations, esquisses, de la plus matérialiste des manières: un livre. Publication à venir. 


JO dessinateur. Une autre facette de moi. Le gars cool, qui dessine, fait marrer les gens, même dans la légende de ses dessins, toujours pince-sans-rire, enclin au jeu de mot parfois foireux, parfois subtil. Carapaces virtuelles de sa triste vision du monde, dont je préfère rire, comme disait Beaumarchais, plutôt que d'en pleurer. Ce JO-là, c'est le JD de ce blog, une personnalité à moitié fictive. Seul l'humour est authentique. Par-delà les followers, les fans et autres commentaires, on est seul. On aimerait vivre de ses passions, mais on travaille, comme tout le monde, dans le vain espoir qu'un jour, la vraie vie commencera. Malgré tous mes écrits, mes dessins stupides, je me suis résigné à cette cruelle vérité: la vie telle que l'entend le commun des mortels, c'est ça. Une survie qui ne dit pas son nom. Je vais donc tenter, à défaut d'accepter cette sentence déraisonnable (peut-être parce que justement rationnelle), accomplir ce geste un peu symbolique de l'écriture et la publication de ce livre, cette partie de moi, ce concentré de bêtise et de joie, tant partagé sur les réseaux sociaux.

Ne cherchez pas quelque effet de style, une assonance perdue dans l'écho de ces tristes paroles, voyez-y au contraire l'émanation brute de ma pensée, au sortir du lit, en ce jour où la vie veut me prendre un être cher, mais qui n'aura, comme toujours, qu'un dessin cynique en guise de refus.

lundi 7 mars 2016

Monde

La vie.
Le monde,
Ses funestes desseins,
Sa beauté paradoxale, me coupe, un instant,

L'envie.
L'immonde,
A travers mes dessins,
Retrouve un écho, dérisoire, mais constant.


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Cet écho, c'est celui du cynisme, c'est celui de l'infâme,
Mais c'est aussi celui de l'énergie, du rire, cette flamme,
Qu'entretient, chaque jour, la frénétique actualité.
Et moi, je mets en rire sa potentielle mélancolie, alité,
                                               
Dans les profondeurs de mon fauteuil. La vie,
J'en donne, avec la plus grande obsession, l'avis
Celui qui tourmente les insoumis du monde,
Comme ceux qui croient toujours que la terre est ronde.






dimanche 6 mars 2016

Réveil

"Si j'avais eu le pouvoir de ne pas naître, je n'eusse sans doute pas accepté la vie à des conditions aussi ironiques". (Dostoievski, L'idiot)




          Une ombre, de plus en plus grande envahissait mes rêves, me poursuivait, je me hâtais d'y échapper, mais rien à faire, elle me regagnait, finissait par me dévorer, m'absorbait, me noyait... Au milieu de ces silencieuses angoisses, je me suis réveillé.


        C'est alors que le vrai rêve commençait: la vie. Dans ses obscures sinuosités, son irrationnelle cruauté, elle est là, s'offre à nous, hypnotise les soumis, défie l'insubordination. L'enfer des rêveries nocturnes se mue alors en un refuge.

Turpitudes de la vie

"La vie est une nacelle dont l'homme est le rameur". (Commerson)



La vie, la vraie. C'est celle qui commence dès aujourd'hui. Dans un cynisme assourdissant, elle a lancé un défi, avec son amie de toujours, la mort. Un défi à ceux qui n'ont pas daigné répondre à sa mauvaise foi, à son injustice. Les échos machiavéliques de sa sinistre existence m'atteignent enfin. 

Cette insouciance qui alimenta tant d'articles sur ce blog, que le peu de lecteurs aura eu le courage de lire, et qui fait de moi cette personne un peu rêveuse et idéaliste, a pris momentanément fin. Momentanément, car, passé le choc d'une nouvelle qui prouve (s'il en était besoin) le mépris cynique de la vie pour ceux qui l'aiment, le courage renaîtra, pour lutter contre ce moulin à vent qu'est la vie, ou plutôt la mort. Enfin, les deux quoi. La vraie vie, c'est elle, c'est donc ceci. Apprendre à souffrir. Accepter la mort. Accepter. Ce mot m'est si peu familier. Nourri par l'indignation, la révolte et l'insoumission, il faut donc se résoudre à cette puérile sentence: "c'est la vie". Je me suis d'ailleurs toujours demandé si cette phrase ne dénotait pas, au contraire, un déni de réalité plus violent que le plus doux idéalisme. Mais passons, il faut savoir accepter que la vie, c'est d'abord la mort, ou du moins son attente. Et pour conjurer ce funeste fatalisme, il faut questionner. Se questionner. La vie a-t-elle un sens lorsqu'elle est occupée à travailler? Est-ce ceci, le refus de se résigner? Travailler pour les autres? Laisser échapper sa vie pour gagner de l'argent? Est-ce accepter la vie telle qu'elle est que de l'occuper des journées entières au labeur? N'est-ce pas, au contraire, un coup de pouce au fatalisme? On m'a dit que la vie était une maladie mortelle. C'est vrai. Et on l'occupe à de futiles activités pour oublier que l'on est mortel. Mais la vie est surtout mépris. La vie est méprise. Non, ne croyez pas en mon présumé pessimisme. Ou on l'est tous. Non. Je tente simplement de comprendre ce qu'aucune science ne peut résoudre: l'injustice.

absurdités visuelles


Cadavre exquis




La rêverie de ma plaisanterie attache le dormeur avec volupté

vendredi 6 mars 2015

Georges de l'Aveyron

Par-delà les splendides forêts, se trouve Georges,
Là-bas, ou s'offrent délicieusement les Gorges,
Sauvage, introverti, mais bon, fort débonnaire, 
Il s'épanouit, loin de notre barbarie, de notre ère.

Mais alors qu'il sommeillait comme un cachalot,
Pénètre, inconscient, un impudent voyageur.
Rongé par l'envie, séduit par de luisants bibelots,
Il s'empare des talismans, et se dit, pour l'heure,

Qu'il en avait assez pour son affaire,
Mais l'habile bipède, dont la rustique oreille
Percevait jusqu'aux lointaines abeilles,

D'un coup de massue remercia l'actionnaire.
Rejetant dans l'Aveyron la lourde dépouille,
Il garda le costume, pour partir en vadrouille.

Imperfection

La nature offre au regard ses lunes riantes
Et délicieusement, vont, s'épanouissent, 
Sous les nuées de feuillages encore brillantes
De la rosée matinale, nourrice

Des verdoyantes prairies, ces herbes grasses,
Fraîchement foulées par quelque égaré marcheur.
Mais voilà: la brise, fendant le céleste espace, 
Se heurte au corps inerte, pendu, horreur!

A cet arbre dressé dans les vertes prairies.
Repus de la vie, moqué par l'existence,
Il s'est donné la mort, dans l'indifférence

De ceux qu'il aimat - à cette heure, sans doute ils rient.
Mais pourquoi s'est-t-il perdu dans ce tableau?
De ce dernier peu s'en fallait pour qu'il soit beau!

jeudi 5 mars 2015

l'amoureux éconduit

Attristé par le cynisme 
de l'avis,
L'amoureux éconduit


Se demande.
Il se demande,


L'amoureux, et conduit
Son existence vers les cynismes
de la vie.

mercredi 4 mars 2015

Complaintes oniriques

Ô, séant

Dans la mer des supplices,
Je goûte aux lunes mélancoliques
De l'hiver,
Où bourdonne amèrement,
Dans l'air rougeâtre,
Le venin du bonheur.

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Ô, séant du monde,
Eau trouble des mers,
Trompe l’œil de l'univers,
Pourquoi m'as-tu trompé?

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

La vie doucereuse qui m'enveloppe
Est un long fleuve incertain,
Rouge de bonheur et bleu de dédain,
Délicieusement insipide.
Livrons-nous au néant,
Ce dieu infâme,
L'origine du monde,
L'origine d'immondes
Infortunes, mais aussi de joies ineffables.
Errons dans l'infini des contingences,
Goûtons aux plaisirs du hasard.

Les silences

Ecoute.

Ecoute le silence.
Ecoute  les six lances
Qui percent ton cœur fébrile .
Insolemment, prestement, elles s'y lancent,


Jouissant avec volupté  aux  doucereuses doléances.
Douces, heureuses comme l'air,  elles pénètrent ta chair 
Qui, dans le suprême effort, expire servilement, sans  tolérance
Le silence déchire alors le vacarme, se laissant écouter. Ecoute mon cher.

Ecoute.

jeudi 17 avril 2014

Ventana





Je vois la pluie tomber, ici devant moi. Je vois ces gens comme je peux voir les feuilles tomber de ce chêne, au fond du jardin, de l'autre côté de la rue. Entendez-vous les gouttes de pluie frapper le sol, sentez-vous leur douceur? Avez-vous senti souffler le vent d'automne, l'avez-vous vu dérober leurs dernières feuilles aux arbres grisonnants? Moi non. Je ne sens ni n'entends rien, ou pas comme vous. Derrière ma fenêtre, je contemple. Vous ressentez peut-être, vous, mais vous n'êtes pas derrière cette fenêtre. Vous allez me dire qu'il est facile d'ouvrir une fenêtre. Moi, je n'ai pas envie de l'ouvrir. Je n'ai pas envie de découvrir ce qui se trouve, ce qui se cache, ce qui m'attend de l'autre côté. Ce n'est pas que je suis bien ici, chez moi; je ne me sens pas plus en sécurité ici que là-bas, "dehors". D'ailleurs, me sentirais-je meilleur de l'autre côté, à l'extérieur? A m'imaginer tout un tas d'aventures là-bas, c'est finalement ici l'extérieur. Cette fenêtre est peut-être fermée, mais elle est bien plus ouverte que la votre. Je vois que cette vitre n'est pas anodine, elle n'est pas innocente à mes rêveries, à mes vies nocturnes, à mes réflexions secrètes. Je m'aperçois qu'elle est aussi la gardienne de mes secrets inavouables, la confidente. Elle est la seule qui partage mes secrets clandestins sans me regarder de travers, sans me juger. Elle est ma moitié inavouable. Et c'est à travers elle que j'imagine le bruit de la pluie ou la froideur du vent d'automne. On est peut-être en été, qui sait? Peut-être que les arbres déshabillés par l'automne seraient une bourrasque annonciatrice d'orages... Qu'importe, je me plais à dire que l'on est en automne. Aucun risque d'être frustré, je n'ouvrirai jamais cette fenêtre, soudain trop heureux de réaliser le pouvoir qu'elle m'offre. Au fond, je saurai toujours ce qui se passe à l'extérieur, mais vous, qui êtes là-bas, ne saurez pas ce que j'y vois.

Une cigarette



Qu'il est beau, ce ciel étoilé; toutes ces étoiles plus étincelantes les unes que les autres. Un enchantement sans égal, un rêve éveillé, qui nous enivre tendrement. Et cette lueur rouge qui scintille, se confond dans le lointain. Ma clope. Si belle et si tendre. Si brillante. Si chaude. Qui se consume.

Se consume

Se consume.

Oh ma tendre et douce.
Réchauffe moi le coeur.
Panse moi les douleurs.
Fais-moi sourire.

C'est fou ce qu'on peut trouver de réconfort dans ce cylindre d'à peine 8cm de long...

La marée



Je te hais, Océan ! tes bonds et tes tumultes,
Mon esprit les retrouve en lui ; ce rire amer
De l’homme vaincu, plein de sanglots et d’insultes,
Je l’entends dans le rire énorme de la mer.

Baudelaire, Spleen et Idéal, LXXIX « Obsession ».



La mer était calme, paisible, endormie. Elle se fondait dans le paysage monotone, accueillant ça et là des vagues perdues, épousant une forme hétérogène et unie à la fois. L’écume qu’elle rejetait était invariablement remplacée par une autre, plus forte encore et offrait un spectacle des plus étranges. Je me demandai à quel point l’océan pouvait se mouvoir, épouser toutes les formes possibles, courir si désespérément sans but, avec un silence angoissant. L’horizon était invisible, comme occulté par quelque perturbation incommodante. Dans un mouvement soudain, je fus happé par une vague, accroché par ses vigoureux tentacules, et projeté dans l’abîme de cette mer, qui avait perdu de sa tranquillité. On eût dit qu’une tempête avait brusquement réveillé cet espace silencieux, provoquant sa fureur de façon spectaculaire. Je fus pris d’un malaise. Je me suis toujours demandé pourquoi la mer causait de telles nausées. Etait-ce l’appréhension de ses profondeurs inconnues et inégales, ou bien était-ce une aversion du flux ininterrompu et chaotique de ses ondulations ? La force avec laquelle je fus emporté me laisse croire à la seconde supposition. Cette masse informe me poussait, me tirait, m’interpellait, - il me semblait même saisir vaguement certains mots -, m’agressait de toutes parts, tant et si bien que je dus l’éviter en me contorsionnant, espérant me défaire de ses griffes. Mon esprit se troublait, il me semblait maintenant saisir clairement certaines invectives, dont je semblais être le destinataire. « Poussez-vous », « Pardon » fusaient ça et là, au milieu du flux ininterrompu des vagues, grandes, minces, froides et déterminées, qui s’enchevêtraient autour de moi, comme pour m’emprisonner. Mais il me semblait après coup qu’elles tentaient de me dépasser, car il semblait bien que je gênais leur course exaspérée au sommet de cette pente. Qu’y avait-il de l’autre côté ? Je n’ignorais. Et je n’avais nul désir de l’apprendre.  Mais inévitablement j’y parvins, et ce spectacle absurde devint plus vaste encore. Les vagues étaient déchaînées, elles ne couraient plus, non, elles se jetaient au-delà des barrières, dans la vaine intention d’atteindre leur but – en avaient-elles seulement un ? Tout cela me dépassait. Je demeurai debout, face au ballet irrationnel de cette marée furieuse, qui chuchotait, errait, suivait le cours imperturbable de son absurde existence, et qui disparaissait derrière les barrières, avant de reparaître, aussi maladroite et impétueuse, au pied de ce mur. « Pardon », « Pfff, poussez-vous » éructait-on dans mon dos, mais je ne voyais que cette masse curieusement uniforme, parcourue de quelques inégalités mais revêtue d’une couleur sombre, morne et même étonnamment sinistre. Une vague, sans doute plus féroce que les précédentes, porta son coup de grâce, me projetant à terre. Il me semblait à présent que l’on m’épiait. Des vagues passèrent au-delà de ma tête, d’autres s’arrêtaient à mes pieds, manifestement gênées, et me contournaient tout aussi imperturbablement qu’avant leur halte inopportune. D’autres encore riaient, sournoises et invisibles, en continuant leur course dans l’abîme, au-delà des barrières. Enfin des vagues s’égaraient de toutes parts, échappant à leur funeste destin dans une dernière tentative. Les vagues avaient désormais un visage ; j’apercevais même le sourire bête mais innocent de celui-ci s’afficher sur sa mine accablée ; on eût dit un malheureux qui assistait à un enterrement affublé d’un accoutrement pour clowns. Cet autre-là me dévisageait avec un dégoût involontaire, comme s’il eût été pris lui aussi, de nausées. Je détournai le regard tant la vue de ce visage admirablement insolent m’écœurait. Un autre au fond lisait, d’un regard éteint, les nouvelles du jour sur un bout de papier ; il était aussi expressif qu’un poisson hors de l’eau. Tous, du reste, étaient pareils à des poissons que l’on eût privés d’eau. Une longue et interminable apnée vers les barrières, qu’ils redécouvraient chaque jour avec une satisfaction identique. Les visages supplantaient peu à peu les vagues, mais suivaient le même mouvement curieux et irréfléchi, se confondaient avec elles, resurgissaient et s’immergeaient à nouveau dans le chaos des vagues. Les barrières s’ouvraient et se refermaient, dans un rythme effréné et tout aussi furieux que les figures. Abattu mais non moins stupéfait, je me relevai, sortis ma carte et me dirigeai vers les barrières qui me menaient au métro.
Elle savourait dangereusement les méandres de l'amour,
Faisait naître ces larmes comme une douce tragédie,
Et d'un tendre égoïsme ignorait ces vils pleurs de nuit comme de jour
Dont l'infâme impudeur amplifiait la mélodie.

Ainsi affranchie de toute servitude sentimentales,
De même qu'elle se résignait à survivre, au royaume des pleurs,
Il s'évertuait à se délivrer de cette prison de métal,
A savourer ne fût-ce un instant, aux voluptés du bonheur.

Dans une illusoire tendresse il ferma les yeux, voué à sa quête.
Au-delà du monde matériel il s'envolait tendrement.
Si l'Homme, dans sa nature est un néant à l'égard de l'infini, sa conquête

S'avérait fructueuse. Cette tendresse infinie, teintée
D'illusions, soufflait l'air nouveau, dans une grâce inégalée,
Avant d'ouvrir les yeux, d'abdiquer face à sa cruelle réalité.

jeudi 16 décembre 2010

De l'amitié

Quoi de plus fragile, délicat, et instable que l'amitié?
Cette intarissable comptine pour enfants qui commence mollement sous des airs de candeur, et qui brutalement s'achève, aux portes de la maturité, là où les chemins se divisent, où les sentiments se dégradent, mûrissent, avec l' inexorable défilé du temps. L'âge adulte, l'amour, les devoirs que ceux-ci impliquent, étouffent peu à peu l'infortunée. Qui devient, peu à peu, l'hypocrisie. De l'amitié, cette inséparable étoile, ne restera qu'une vile et doucereuse illusion, dans ce ciel sombre. Ainsi soit-il; le deuil d'une vie amorce une histoire nouvelle, mais les doléances demeurent, silencieuses.

dimanche 15 août 2010

"Margot était exactement le contraire de Charlotte, physiquement et de tempérament. Elle mesurait un peu plus d'un mètre soixante-seize... portait un tailleur - jupe-culotte kaki et veste aux épaules rembourrées, agressives- , l'uniforme des femmes qui veulent montrer à tous ceux qu'elles rencontrent que désormais elles ne sont plus tributaires des hommes. Son parfum et ses chaussures étaient coûteux, signe certain qu'elle n'avait pas autant d'argent qu'elle estimait devoir posséder."
(Graham Masterton, Le portrait du mal)

mercredi 19 mai 2010

A propos de mort....

J'ai le corps d'un homme de dix-huit ans. Il est dans mon frigo. (Spike Milligan)

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La vie est si plate que c'est souvent une distraction d'apprendre la maladie, puis la mort de quelqu'un qu'on connaît

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La guerre justifie l'existence des militaires. En les supprimant. (Henri Jeanson)

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J'ai lu quelque part que fumer pouvait provoquer le cancer, depuis, j'ai totalement arrêté de lire. (Henry Youngman)

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C'est commode un enterrement. On peut avoir l'air maussade avec les gens. Ils prennent ça pour de la tristesse. (Jules Renard)

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Les noyés remontent toujours à la surface. Trop tard en général. (Roland Guyard)

vendredi 14 mai 2010

"La tendresse est la frayeur de l'âge adulte" (Milan Kundera)

vendredi 16 avril 2010

Quand la tendresse me tourne le dos, l'abîme me tend ses bras...

mardi 6 avril 2010

Le culte des apparences

"Le plus grave problème du mannequinat n'est pas la nymphophilie, ni même l'anorexie, mais le racisme. Si nous courons tous après la blondeur, il faut appeler les choses par leur nom: c'est parce que nous sommes fachos. Les nazis préféraient les blondes: ils auraient adoré la Slovaque Adriana Karembeu-Sklenarikova, ou les Tchèques Veronika Varekova ou Eva Herzigova (après tout ce n'est pas un hasard si Hitler a commencé par envahir la Tchécoslovaquie, le Führer avait le sens des priorités!). Les recruteurs de modèles vénèrent la race aryenne, ses pomettes hautes, ses yeux clairs, sa dentition saine, sa blancheur musclée... Aujourd'hui dans le meilleur des mondes, le vieilles et les moches son exclues. La beauté est un sport où les hors-jeu sont fréquents. Quoi de plus fasciste que les éléctions de Miss?... Le mot "modèle" est à cet égard plus honnête que celui de "mannequin". C'est exactement la même situation en France avec nos physionomistes de boîtes de nuit qui refusent les Arabes sauf s'ils sont comédiens de "stand up". Je me demande si le voile islamique n'est pas moins fasciste d'un "fashion contest" ou le contrôleur facial d'une discothèque. Au moins, en dissimulant leur visage, le voile islamique laisse une chance aux laiderons. Les fondamentalistes sont sûrement des gros machos qui interdisent aux femmes de conduire, de travailler ou de tromper leur mari sans se faire lapider ou vitrioler, mais reconnaissons-leur cela: ce sont les seuls antiracistes esthétiques. Le port du voile milite contre la séduction au faciès et le totalitarisme du joli minois... Chez moi on traite les enfants d'immigrés comme des délinquants à longueur d'année, jusqu'à ce qu'ils le deviennent, car les pauvres sont tellement obéissants qu'il finissent par foutre le feu aux autobus et aux bagnoles, par courtoisie, pour ressembler à l'image qu'on leur projette d'eux-mêmes depuis la naissance... Et s'il n'yavait que la France où l'Extrême droite frôle le pouvoir! En Pologne, en Slovaquie, en Bulgarie, en Roumanie, les ultra-nationalistes xénophobes grimpent dans les sondages quand ils ne gouvernent pas. J'en viens parfois à me demander si l'Europe nouvelle ne s'est pas construite sur l'extermination des Juifs. Six millions de morts ne sont pas sans conséquence: nous avons détruit les Juifs d'Europe pur y installer la domination des blondes slaves. Les nazis ont gagné leur combat... " (Beigbeder "Au secours pardon")

dimanche 28 mars 2010

Rêvons rêvons, c'est la dernière chose qu'il reste quand l'objet du désir est inaccessible...

jeudi 25 mars 2010

"Toutes les sociétés ont toujours gaspillé, dilapidé, dépensé et consommé au-delà du strict nécessaire, pour la simple raison que c'est dans la consommation d'un éxcédent, d'un superflu que l'individu comme la société se sentent non seulement exister mais vivre"


Jean Beaudrillard " la société de consommation"

samedi 20 mars 2010

jeudi 18 mars 2010

Faire l'amour c'est un peu comme faire une dissertation: introduction, parties et sous parties, conclusion, et magnifique ouverture du sujet. Orgasme garanti!
L'habitude tue l'amour. Elle remplace le désir de tendresse par une obligation, par une simple convention, un caprice, un saut d'humeur, une rébellion. Alors qu'elle part d'un désir, d'un sourire, d'un mot, d'un regard même. Le seul moyen de vaincre ce danger est non pas fuir l'habitude mais vivre avec; ce qui évite donc le conflit.

Considérer l'amour comme habitude n'est plus considérer l'amour. En effet, l'un n'exclut-il pas l'autre?...

mardi 16 mars 2010

Ne nous disputons-nous pas que pour des raisons futiles?

mardi 9 mars 2010

J'ai le mal de l'air. C'est un fait. Mais est-ce que mon estomac serait sensible aux flux et reflux de la mer? Serait-il aussi délicat face aux intempérances de Mère Océan? Oui, car cela serait gênant quant à l'un de mes rêves les plus précieux: faire le tour du monde en bateau , en amoureux bien sûr. Je me vois mal affirmer "chérie, veux-tu faire le tour du monde en chiottes?", pour remplacer plus justement "tour du monde en bateau"...
Les corses sont des autochtones vivant dans les arbres. Oui, oui, on les surnomme d'ailleurs les Corses des arbres.
Niquer ou se faire niquer... telle est la question

dimanche 7 mars 2010

[A la question "un enfant peut-il être con?" arrêtons de nous voiler la face, je réponds sans hésitation: Oui! On appelle d'ailleurs cela un petit con. Ensuite, au rythme de sa croissance, ce sera un moyen con, puis un grand con, et, en fonction de son hygiène alimentaire, un gros con!]

(vivre avec des cons)

lundi 1 mars 2010

Heureusement que le malheur existe, sinon il n'y aurait pas de journalistes...

mercredi 24 février 2010

dimanche 14 février 2010

Lorsqu'un con a une inspiration, on attend avec encore plus d'impatience l'expiration.

mercredi 10 février 2010

Rébellion du vingtième siècle.... éteindre sa télévision.
La Révolution sera dure....
Elle savourait dangereusement les méandres de l'amour,
Faisait naître ces larmes comme une douce tragédie,
Et d'un tendre égoïsme ignorait ces vils pleurs de nuit comme de jour
Dont l'infâme impudeur amplifiait la mélodie.

Ainsi affranchie de toute servitude sentimentales,
De même qu'elle se résignait à survivre, au royaume des pleurs,
Il s'évertuait à se délivrer de cette prison de métal,
A savourer ne fût-ce un instant, aux voluptés du bonheur.

Dans une illusoire tendresse il ferma les yeux, voué à sa quête.
Au-delà du monde matériel il s'envolait tendrement.
Si l'Homme, dans sa nature est un néant à l'égard de l'infini, sa conquête

S'avérait fructueuse. Cette tendresse infinie, teintée
D'illusions, soufflait l'air nouveau, dans une grâce inégalée,
Avant d'ouvrir les yeux, d'abdiquer face à sa cruelle réalité.

mercredi 3 février 2010

Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés

(Baudelaire, Les Fleurs Du Mal)
Qu'il est beau, ce ciel étoilé; toutes ces étoiles plus étincelantes les unes que les autres. Un enchantement sans égal, un rêve éveillé, qui nous enivre tendrement. Et cette lueur rouge qui scintille, se confond dans le lointain. Ma clope. Si belle et si tendre. Si brillante. Si chaude. Qui se consume.

Se consume

Se consume.

Oh ma tendre et douce.
Réchauffe moi le coeur.
Panse moi les douleurs.
Fais-moi sourire.

C'est fou ce qu'on peut trouver de réconfort dans ce cylindre d'à peine 8cm de long...
L'euphorie amoureuse est souvent rattrapée par la réalité matérielle.

mardi 2 février 2010

C'est dans une situation délicate, difficile, douloureuse, voire extrême que se révèle la nature véritable des Gens...

lundi 1 février 2010

La vie n'est qu'une histoire de lutte.

Un; Deux; Trois. Quatre...
Les secondes passent. Je n'ai ni le temps ni la force de les rattraper. Le wagon est en marche, impossible de le regagner. Elles le savent très bien. Elles me narguent, à processionner toujours plus vite, à danser la vie, à rythmer cette perpétuelle lutte. A plusieurs ces insignifiantes petites secondes m'attirent inévitablement vers le précipice. Elles semblent jouir de ma faiblesse. Je cesse de regarder ma montre. Elle me donne la migraine. Le vertige aussi. Je me défile devant le temps qui s'effile; c'est toujours mieux que se défiler devant ma vie qui s'effile. Je perds le fil. Coupons-le.

Oh, tendresse ennemie!
Rattrape cette corde, et remonte-moi.
Redevenons amis. Amis, simplement. Mais sûrement. Redevenons la tendresse d'autrefois. Aussi solide que certaine. Aussi rassurante qu'imperturbable. Aussi encourageante que sincère.
Redeviens ma paire. Redeviens-moi. Reviens à moi. Redeviens mienne. Renouons cet amour, renouons ce fil. Amour, vite, re-déploie tes ailes, et envoles-moi. Pour toujours.

C'est mon anniversaire. Toutes ces mines réjouies semblent l'indiquer en chœur. Un "Joyeux anniversaire" me noie dans toute sa splendeur, telle la houle. Emporté par cet élan, j'échouai, trouvant pour seule défense un "merci" téméraire mais discret. Poignées de mains et bises pour sceller davantage l'hypocrisie qui unit les hommes entre eux, et puis c'est reparti pour une nouvelle année "comme les autres".
Une question me frappe encore: dois-je vraiment fêter la vie avec tant d'entrain ou simplement me résigner d'être encore en vie? Dois-je célébrer le fait d'avoir un an de plus, ou le regretter?

Je ne célèbre pas la vie. Les anniversaires sont à mes yeux des commémorations, qui me rappellent sans cesse combien je suis courageux de n'avoir pas encore trépassé à la sottise des gens. Non, la vie n'est pas une célébration. Elle est cette chanson, cette oraison funèbre qui fredonne la même mélodie à nos oreilles. Et ces doux baisers? Une imposture, l'illusion que la tendresse existe encore.
Tendresse- tendresse - ten... dresse. Tant d'resses. Tends. Dresse. Tendresse toi-même! (je hais les impératifs)
Des mots, des mots. Des Mots. DES Mots. Des MAUX.
Voilà que la migraine frappe encore, au rythme inaltérable des mots, du temps. La réalité des maux rattrape à grands pas l'illusion des mots . C'est inévitable.
Comme ces secondes, qui défilent, quinze, seize, dix-sept... Je m'approche du gouffre, aussi sûrement que ces secondes qui passent et qui trépassent, qui approchent peu à peu de minuit.
Je m'efforce de fermer les yeux. D'esquisser un sourire. La nuit approche. Partira-t-elle?
Une nouvelle lutte s'annonce. Un nouveau combat m'attend.

La vie n'est qu'une histoire de lutte.
Lutte - lutte- lutte - l...
SILENce.